Les Émirats arabes unis (EAU) se sont retrouvés au centre de la concurrence technologique mondiale, notamment dans la mesure où ils équilibrent leurs relations avec les États-Unis et la Chine.
Malgré les pressions de Washington pour limiter la coopération avec les entreprises chinoises, en particulier Huawei, qui a contribué à l’installation de l’infrastructure 5G des Émirats arabes unis en 2019, les Émirats arabes unis poursuivent une stratégie stratégique de « couverture technologique » pour diversifier leurs options en matière d’intelligence artificielle (IA) et d’autres technologies émergentes.
Huawei et la polémique sur la 5G
Depuis 2019, Huawei a été un acteur clé dans la construction de la Réseau 5Grenforçant la présence du géant de la technologie au Moyen-Orient. Cependant, cette relation a attiré l’attention des États-Unis, qui ont exprimé leurs inquiétudes quant aux risques potentiels pour la sécurité nationale posés par l’infrastructure de télécommunications chinoise.
Les tensions se sont intensifiées lorsque les États-Unis ont affirmé que la Chine construisait un centre de renseignement à Port Khalifa, à Abou Dhabi, exploité par Cosco Shipping Ports, une société chinoise. Les Émirats arabes unis, après avoir enquêté sur ces allégations, les ont rejetées comme étant infondées.
Ces frictions géopolitiques ont contribué à la décision des Émirats arabes unis de se retirer d’un accord d’armement de 23 milliards de dollars, qui aurait inclus l’achat d’avions furtifs F-35 avancés et de drones MQ-9 Reaper aux États-Unis.
Cette décision témoigne d’une intention plus large de la part des Émirats arabes unis d’affirmer leur indépendance en matière de politique technologique et de défense, plutôt que de s’aligner pleinement sur l’une ou l’autre superpuissance.
Construire des centres de données IA en Asie
Tout en naviguant dans leurs relations avec la Chine et les États-Unis, les Émirats arabes unis se positionnent comme une future puissance technologique. Dans le cadre d’une démarche stratégique visant à étendre son influence dans le domaine de l’IA, le conglomérat technologique G42, basé à Abu Dhabi, a annoncé son intention d’établir des centres de données d’IA en Asie.
Ces centres, qui seront construits dans des pays comme l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines, devraient jouer un rôle central dans l’ambition des Émirats arabes unis de devenir le leader du Sud en matière de progrès technologiques.
Le 18 septembre, G42 s’est engagé à construire des centres de données d’IA en Inde, avec une capacité de production d’électricité prévue allant jusqu’à 2 GW, soit le double de la capacité actuelle du pays. Ces centres de données abriteront de puissants superordinateurs, faisant ainsi progresser l’infrastructure de l’IA dans la région.
Le rôle des partenariats mondiaux
Pour soutenir leurs ambitions croissantes en matière d’IA, les Émirats arabes unis forment des partenariats internationaux clés. L’implication du G42 dans le Partenariat mondial d’investissement dans les infrastructures d’IAun consortium qui comprend de grandes sociétés américaines comme Microsoft, BlackRock et Global Infrastructure Partners, illustre cette stratégie.
Le consortium vise à investir jusqu’à 100 milliards de dollars américains dans les centres de données d’IA et les infrastructures énergétiques, en tirant parti de l’expertise de Nvidia en matière de conception de puces d’IA. À court terme, le partenariat devrait permettre d’augmenter 30 milliards de dollars américains dans le capital-investissement, accélérant les développements de l’IA au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie centrale.
Malgré cette collaboration croissante avec les entreprises américaines, les Émirats arabes unis ont gardé leurs distances par rapport à une adhésion totale à l’accord. Coalition pour les puces et l’IA dirigée par les États-Unisqui comprend des pays comme le Japon et la Corée du Sud. Les analystes suggèrent que les dirigeants des Émirats arabes unis ne souhaitent pas être enfermés dans un camp géopolitique.
Couverture technologique des Émirats arabes unis
Selon l’analyste politique Ahmed Aboudouh, la stratégie des Émirats arabes unis en matière d’IA peut être considérée comme une approche de « couverture technologique ». Cela signifie que les Émirats arabes unis diversifient activement leurs partenariats technologiques pour éviter une dépendance excessive à l’égard des États-Unis ou de la Chine. Aboudouh décrit l’objectif des Émirats arabes unis comme étant de devenir le «Taiwan du Sud« …un pôle technologique connu pour son innovation et son indépendance.
Les Émirats arabes unis tracent leur propre voie, en développant les secteurs industriels et technologiques tout en garantissant la protection de leurs intérêts stratégiques à long terme.
Même si le récent partenariat avec les États-Unis représente une étape importante dans la coopération en matière d’intelligence artificielle, il est peu probable que les Émirats arabes unis rompent complètement leurs liens avec la Chine, en particulier dans des domaines d’intérêt neutre comme les énergies renouvelables et la biotechnologie.
Le rôle des États-Unis et de la Chine au Moyen-Orient
L’évolution du paysage technologique au Moyen-Orient reflète la concurrence mondiale plus large entre les États-Unis et la Chine. Comme Robert Mogielnickichercheur principal à l’Institut arabe des États du Golfe, note que les deux pays se disputent l’influence dans la région, proposant différents types de partenariats. Tandis que les États-Unis apportent leur expertise technologique et leurs cadres réglementaires solides, la Chine apporte ses propres investissements économiques et infrastructurels.
Dans ce réseau complexe d’alliances, la stratégie de « couverture technologique » des Émirats arabes unis apparaît comme un effort calculé visant à maximiser leurs opportunités sans être trop dépendants d’une puissance mondiale. Cela permet à Abu Dhabi de continuer à développer des technologies et des infrastructures d’IA de pointe tout en faisant face aux pressions géopolitiques de la rivalité américano-chinoise.
Alors que les Émirats arabes unis poursuivent leur ambitieux programme d’IA, ils gèrent habilement leurs relations avec les États-Unis et la Chine. En établissant des partenariats stratégiques avec des entreprises américaines tout en maintenant une coopération sélective avec des entreprises chinoises, les Émirats arabes unis se positionnent comme un leader technologique mondial. Avec l’intention d’établir des centres de données d’IA dans toute l’Asie et de renforcer son infrastructure d’IA, la vision des Émirats arabes unis de devenir le « Taiwan du Sud » prend progressivement de l’ampleur.
Crédit image en vedette: Emre Cıtak/Idéogramme IA